Les momies égyptiennes de Québec
Les momies égyptiennes du Québec
Le Caire, 29 janvier 1868
Mon premier plan était de me rendre jusqu'à Thèbes dans la Haute-Égypte, et de vous rapporter des momies, comme vous me l'aviez demandé. Mais ce voyage était trop coûteux et trop long... J'ai alors demandé s'il n'y avait pas au Caire quelque receleur de momies : on m'en a indiqué un excellent catholique; vrai gentilhomme. Il m'en a fait une 300 francs et une autre 400 francs. Je lui dit que c'était trop cher et je le quittai. (...) Je retournai chez mon escroqueur; il était revenu à de meilleurs sentiments. Après bien des pourparlers, il me donna (mais parce c'était pour une institution catholique) deux grandes momies dont l'une avec son sarcophage, puis une momie d'enfant avec un vieux masque, et un petit sarcophage de foetus, le tout pour...
Devinez... 440 francs.»*
C'est grâce aux fins talents de négociateur de l'abbé Louis-Nazaire Bégin, futur cardinal, que les premières momies égyptiennes débarquent en Amérique du Nord. Et à Québec, s'il vous plaît. L'abbé Bégin avait eu le mandat de les acheter pour parfaire la culture des étudiants de l'Université Laval.
Les trois momies furent ensuite transférées au musée du Séminaire (devenu aujourd'hui musée de l'Amérique française). Celle de l'enfant disparut mystérieusement il y a 50 ans. En piètre condition, la seconde n'est plus exposée de nos jours. Le public n'a donc accès qu'àNen-oun-ef, un homme qui aurait vécu à Thèbes entre 1555 et 1350 av. J.-C. Il ne s'agit pas d'une momie royale.
Les amateurs d'émotions fortes apprécieront aussi la section égyptienne du musée Redpath de l'Université McGill. Dans ce lieu hors du temps, on peut observer les momies animales (de faucon, de chien, de chat et de crocodile), compagnons d'éternité du défunt; les canopes, ces jarres contenant ses viscères, coiffés de la tête d'Anubis, le dieu-chien des tombes, ainsi que quelques autres artefacts.
À deux pas de la minuscule momie d'une femme de 20 à 40 ans, se trouve le corps d'Hetep Bastet. Cet homme d'une trentaine d'années, qui aurait vécu entre 1500 et
1293 av. J.-C., et qui serait mort d'un terrible abcès dentaire, est rien de moins qu'une vedette au Québec : il a fait les manchettes en 1998 lorsque des médecins de
l'Hôtel-Dieu l'ont radiographié au scanner hélicoïdal, question d'obtenir l'image de son squelette en 3D. La tête libérée de ses bandelettes, Hetep Bastet offre son visage
émacié et son éternel sourire aux occasionnels visiteurs.
* Lettre de l'abbé L.N. Bégin à Mgr T.E. Hamel, supérieur du
Séminaire de Québec et recteur de l'Université Laval.